La chambre des somnambules

Ancrées au beau milieu d’un Japon hors du temps, dans les terres du Nord ou d’Italie, les nouvelles de ce recueil abordent le thème de la hantise. Quels que soient les lieux, quelles que soient les époques, les personnages de ces récits se ressemblent : ils se trouvent malgré eux confrontés à un évènement qui viendra faire basculer − et définir − le reste de leur vie… À ce traumatisme originel, ils en reviendront sans cesse : tiraillés entre sidération et désir d’avancer.
On croisera dans ces pages des survivants du massacre d’Ascq en 1944, des jeunes femmes et des vieillards aux amours disparus, un peintre qui retrouve au crépuscule de sa carrière celle qui fut sa Muse, une jeune femme noyée pour d’obscures raisons et qui reparaît…
Et si la force d’un destin résidait dans le rêve qui lui préexiste ? Dans le fantasme ou dans l’obsession qu’une anecdote − ou qu’un drame − aura su révéler ? Qu’est-ce qui nous hante et qu’est-ce qui nous anime ? En neuf nouvelles denses et envoûtantes, Mehdi Ikaddaren développe ces questions et nous plonge dans un univers où les mirages et la réalité s’entremêlent.

Mehdi Ikaddaren se consacre exclusivement au genre de la nouvelle. Il porte sur la question des origines, sur celle des cultures métissées, sur la question de la mémoire et de la transmission, un regard concerné, parfois inquiet. Il habite à Villeneuve-d’Ascq, près de Lille. Différentes revues ont accueilli ses textes : Harfang, Le Cafard hérétique, Squeeze, L’Ampoule, Nouvelle Donne, Encre(s). La Chambre des somnambules est son premier recueil individuel.

La Chambre des somnambules, nouvelles de Mehdi Ikaddaren, 94 pages, 14,50€ + port : parution prévue le 10 février 2025. ISBN 979-10-94810-65-1

En écoute : “Dans la flache”, une nouvelle mise en voix par Serge Cazenave


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4 comments

  1. Lu et apprécié ce recueil de 9 nouvelles , une écriture soignée teintée parfois d’une touche de fantastique. J’ai suivi avec intérêt ces personnages s’agitant dans les remous du passé. Mention spéciale pour la nouvelle qui évoque le massacre d’Ascq.

  2. En mai 2023, Nouvelle Donne publiait La rapine – Nouvelle Donne qui nous avait séduits par son écriture singulière et ses images à la sauvagerie troublante.
    Les histoires que raconte Mehdi Ikaddaren ne sont jamais innocentes. Elles nous imprègnent, nous hantent, nous les relisons encore et encore. Elles font écho à notre mémoire intime, profonde. Il y est question de filiation, de culpabilité, de fantasmes.
    Le recueil se compose de neuf nouvelles.
    Il s’ouvre, sur L’élève de Palvetti, la plus longue. Dans le milieu de la Renaissance italienne, un enfant habile en dessin deviendra, par la grâce de Maria, un peintre reconnu. L’esquisse d’un visage, oubliée et jaunie, plane sur le récit. Mehdi Ikaddaren nous fait entrer dans les ateliers des grands maîtres. Tout est précis, soigneusement documenté : vrai. Le lecteur y croit, l’auteur sourit.
    Suivent quatre nouvelles japonaises. Mehdi Ikaddaren y décrit des paysages d’un œil averti et sensible. Ici, pas de clichés faciles, mais une connaissance approfondie de la culture nipponne. Souvent prisonniers de leurs destins, les personnages se confrontent à l’impermanence des choses, au temps qui passe, inexorablement : On eût dit une fleur de pivoine, un épais bouton carmin qui déployait ses longs pétales – avant de se dissoudre, comme une fleur séchée, imbibée dans le thé amer de l’oubli. L’écriture est belle, cadencée. Elle nous porte et nous entraîne dans des jeux d’illusions, de miroirs, comme dans La chambre des somnambules, nouvelle hypnotique qui a donné son titre au recueil.
    Les quatre nouvelles suivantes sont traversées par la hantise du mal, de la guerre. Dans Le mascaret, texte publié en 2020 par le Cafard Hérétique, le puissant reflux du fleuve projette le cadavre d’une femme contre les jambes de jeunes hommes. Mais qu’a vu le narrateur ? Ce corps n’est peut-être qu’un enchevêtrement d’immondices. L’image ne serait que réminiscence. Elle devient hantise, qui est coupable ? Aurait-on pu imaginer que le mascaret réveillerait ses fantômes ? Que nous serions là, à guetter le salut d’un cadavre, pour feindre de n’avoir rien vu, rien su ? Car coupables, nous le sommes tous, n’est-ce pas ? Ainsi en va-t-il de l’écriture, elle se joue de la mémoire, du passé trouble qu’elle recompose pour nous interpeller.
    Le recueil se clôt par Au cœur des prés, titre au charme trompeur pour décrire le massacre d’Ascq, tragédie de l’histoire où quatre-vingt-six civils ont été sauvagement fusillés en avril 1944. Les faits sont rapportés avec réalisme. Paul Voyeux, petit contrebandier sans envergure, a tout vu. Il passera la nuit dans un fossé avec le fils de Nono, un gamin de dix-sept ans qui ne survivra pas à ses blessures. Cette terrible mémoire pèse sur l’écriture toujours juste, contenue, et pourtant, à la limite du soutenable.
    Mehdi Ikaddaren cultive un style au rythme envoûtant. En musicien de mots, il compose. Son phrasé mélodique nous invite à le lire à haute voix. Ce premier recueil, très prometteur, est déjà une belle réussite.
    La chambre des somnambules est publiée chez Zonaires éditions, éditeur bien connu des amateurs de nouvelles.

  3. La Chambre des somnambules, de Mehdi Ikaddaren (Zonaires), variations sur le thème de la hantise
    Publié par Anne-Sophie Barreau le 26 mai 2025 dans la revue Singulars
    Ses textes sont publiés dans différentes revues. Mehdi Ikaddaren se consacre exclusivement au genre de la nouvelle. La Chambre des somnambules, son premier recueil individuel (Zonaires éditions) est conçu « comme un exercice de variations sur le même thème : la hantise » indique l’avant-propos.
    Exercice réussi. En neuf nouvelles denses et envoûtantes, qui souvent se défient de la frontière entre rêve et réalité, l’auteur fore au cœur de la peur, et porte haut un genre en pleine forme au sens propre et figuré.
    Quelle est donc la hantise de L’élève de Palvetti qui ouvre le recueil de Mehdi Ikaddaren?
    On l’apprend tardivement quand on succombe dès les premières lignes – « C’était un garçonnet maigre et crasseux, avec de grands yeux clairs et des mains couvertes de crevasses, prématurément vieillies » – à l’histoire de ce commis de peinture dans l’Italie du 19ème siècle dont le talent est découvert par Maria, « la favorite » du peintre chez qui il travaille :
    « Plaise à Dieu qu’il en fût ainsi, qu’un enfant surpassât par la modestie de son trait toutes les sophistications du peintre pour lequel j’ai posé des années durant »
    Quand celle-ci l’accueille dans le logis où elle vit avec sa sœur et l’engage à dévoiler ses talents, l’enfant trace sur la feuille le visage des deux sœurs.
    « Eût-on jamais vu de si belle manière ? Le dessin était comme une porte ouverte sur la nature profonde de ses modèles. Il y avait dans les traits des visages une foule de détails, de possibilités, de sentiments que l’art rehaussait ; il insufflait une puissance, une harmonie, une vie plus vivante encore que la vie elle-même à ces figures érubescentes et joviales ».
    La hantise, qu’on ne dévoilera pas, fait pivot.
    Et l’histoire, qui aurait pu débuter par « Il était une fois », prend alors des allures de conte cruel.
    Evénement tenant lieu de bascule, langue riche et poétique : l’auteur, avec une maîtrise qui impressionne, ne dévie ensuite jamais de cette ligne.
    En particulier dans plusieurs nouvelles situées dans un Japon hors du temps qu’inaugure Hanae, le village, Le Onsen et le Koto.
    Chaque mot compte dans ce titre mais le Onsen, peut-être, les contient tous.
    Le Onsen, soit la source d’eau chaude où se retrouvent les patriarches d’une ville désertée à la suite de la fermeture d’une usine qui conditionnait en bocaux les prunes du pays.
    « Il s’y retrouvent, essoufflés, chacun accaparé par ses propres démons, misère des corps souffrants, souvenirs en pagaille, hébétude parfois, mais toujours le même rituel qu’ils préservent, cette convivialité offerte par un instant d’intimité, chacun recroquevillé, flottant au rythme des remous, dans la vapeur soufrée du bain qui masque leur nudité défaillante »
    Jadis, les démêlés d’amour se réglaient au Onsen parmi ces hommes « qui trainaient là comme des seigneurs de guerre, garants d’un ordre millénaire ». Un jeune couple en a fait les frais, Hanae « avait seize ans lorsqu’elle s’était éprise de Yoshi » …dans cette nouvelle qu’on rêverait de voir portée à l’écran, qui est aussi en creux la chronique d’un Japon en pleine transformation, les structures traditionnelles pèsent encore de tout leur poids sur l’individu.
    Les mots auront un poids plus lourd encore
    Dans le nord, le massacre d’Ascq, dans la nuit du 1er au 2 avril 1944, au cours duquel 86 civils innocents ont été exécutés par les soldats allemands, est encore dans toutes les mémoires. Une tragédie que relate Au cœur des prés, la bouleversante nouvelle qui clôt La Chambre des somnambules. Un homme, Paul Voyeux, caché en lisière du village, a tout vu.
    « Les Allemands se déployèrent aux alentours, arrêtant les badauds qui traînaient aux abords du poste d’aiguillage. Ils arrachèrent à leurs habitations les riverains les plus proches pour les interroger. Paul distinguait clairement des femmes et des enfants dans cette foule. Des visages qui lui étaient familiers : des employés ou des notables, ceux qu’ils croisaient en centre-ville chapeautés et bien peignés, et qui étaient maintenant transis, sous la lune, en pyjama et pieds nus, incapables de comprendre ce qu’il leur arrivait ».
    « Ce soir, ce sera un moment fort émouvant pour moi : en écrivant cette nouvelle, je n’imaginais pas la lire à l’endroit même de la tragédie. Les mots auront un poids plus lourd encore » nous confiait Mehdi Ikaddaren quelques heures avant de lire Au cœur des prés au Mémorial d’Ascq lors de la dernière nuit des musées.

  4. Attention ! Pépite !
    Il existe des recueils de nouvelles qui vous tombent des mains tant ils sont fades et entrelardés de clichés. La nouvelle n’est pas, loin sans faut, le lieu de la facilité.
    Et puis, il y a la Chambre des somnambules. Neuf textes étourdissants de finesse qui racontent l’impossibilité de la perte. Dans ses nouvelles, Mehdi Ikaddaren esquisse la topologie du manque, traquant avec obstination ce que le traumatisme de la perte creuse en chacun. Les pertes, nos vies en sont jalonnées. Certaines passent inaperçues, d’autres orientent à jamais notre existence du côté d’une attente sourde, d’une commémoration qui n’en finit pas, du ravage qui se transmet sur plusieurs générations. Avec une poésie rare, l’auteur nous invite à l’endroit de l’attente, du désir piétiné et de l’espoir qui survit. Chaque nouvelle de ce recueil est un univers en soi, bruissant d’une vie qui insiste et persiste dans ces petits détails énoncés avec grâce. C’est à la fois délicat et puissant. Une belle découverte. Je recommande vivement cette lecture !
    Françoise Guérin

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