Sterenn est une étudiante douée, ouverte au monde et heureuse de vivre. Pourtant, elle décide de mettre fin à ses jours en se jetant sous un train. Pour quiconque ne la connaît pas, son geste restera un « accident de personne », monstrueux euphémisme par lequel on essaie de rendre inoffensif ce qui est insoutenable. Blanche suit son chemin comme toutes les jeunes femmes qui l’entourent, fait des études, rencontre un mari idéal et se tient prête à accueillir son premier enfant. Mais cette grossesse va renverser la table de ses certitudes et la faire sombrer dans une mélancolie dont elle ne sortira qu’à un prix très élevé. Un étudiant au pair ne tombera pas amoureux de la jolie Marie dont il prétendra pourtant qu’elle est sa petite amie. Une jeune femme prend soin de sa mère envers et contre tout jusqu’à ce que les pompiers débarquent. Un jeune homme raconte à sa sœur le secret de sa naissance, un autre se bat contre les stéréotypes masculins. Une femme se libère de sa charge mentale, une autre de son mari défunt.
Les personnages de ce recueil vivent dans un tiraillement permanent entre les modèles qu’on leur a imposés et les désirs profonds qui les portent. Chacun lutte pour vaincre les préjugés, les déterminismes et les obscurantismes, dans l’espoir fou de ne pas devenir un jour, comme Sterenn, un simple accident de personne.
Brice Gautier est professeur des universités à l’Institut National des Sciences Appliquées de Lyon et vit à Villeurbanne. Il se consacre uniquement à la forme courte et après quelques dizaines de nouvelles semées ici ou là (Rue Saint Ambroise, Brèves, Harfang, Pourtant, Squeeze, Marginales, L’Encrier Renversé…), il a publié ses deux premiers recueils de nouvelles aux éditions Quadrature (« Même pas mal », 2021 et « La maison commune », 2023).
Accident de personne, nouvelles de Brice GAUTIER, 94 pages, 14,00 € (+port)
Parution prévue le 21 novembre 2024 ; ISBN : 979-10-94810-64-4
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Des femmes, qui parlent à la première personne, de leurs refus d’un patriarcat souvent moyenâgeux, des femmes qui veulent échapper à de lourds secrets familiaux, à ces familles pesantes qui veulent les empêcher de vivre, voire même les conduire à devenir des « accidents de personnes ». Un beau style, une écriture sobre, efficace. A lire !
Brice Gautier, nouvelliste nous propose un nouveau petit recueil de nouvelles intitulé “Accident de personne”. Ce titre pour le moins pessimiste regroupe dix textes liés par un même thème, la recherche de soi-même, de sa liberté, de l’expression de ses désirs. Dix textes magnifiques, souvent tristes, mais aussi porteurs d’espoir.
Brice Gautier est un spécialiste de la forme courte et j’ai déjà eu l’occasion, à deux reprises, d’apprécier ses écrits. S’agissant de “Même pas mal” et “La maison commune” j’avais noté que “Le tout est écrit dans une belle langue à la fois classique, simple et limpide.” Je peux réutiliser cette phrase in extenso. L’auteur aime, on le voit, utiliser un langage châtié et le passé simple qui petit à petit disparaît des romans, me semble-t-il. Il l’utilise sans en abuser et cela donne à ses textes un petit air désuet du plus bel effet. En tous les cas, moi, j’adore.
Quant au fond, chacune de ses petites histoires met en scène un personnage en proie à un tourment lié à ses envies profondes et ce que les autres attendent de lui. C’est touchant, émouvant, douloureux, mais aussi plein d’espoir comme dans “La femme de ma vie” où deux jeunes, Marie et l’étudiant hébergé dans sa famille formeront un couple “pour rire”, histoire de ne pas révéler leur homosexualité qui ne serait pas acceptée… “Le sourire de Marie s’agrandit, elle vint se blottir contre moi – c’est l’étudiant qui raconte – et nous restâmes longtemps enlacés sur le canapé, scellant silencieusement notre pacte.”
Mais il y a Sterenn qui se jette sous un train… “Accident de personne” qui donne son titre au recueil, Blanche qui se marie, attend son premier enfant puis se rend compte que, non, ce n’est pas ça sa vie…Il y a des secrets de naissance, une femme qui, neuf ans après le décès de son mari, lui reste liée jusqu’au jour où elle décide de s’en détacher. Et d’autres…
De très belles pages à la forme travaillée et au fond d’une extrême profondeur. Une très agréable lecture.
Après Même pas mal et La maison commune, ses deux précédents titres publiés par Quadrature, Brice Gautier signe son troisième recueil Accident de personne chez Zonaires éditions. Si l’éditeur change, l’auteur poursuit son projet avec détermination : dénoncer, sans aucune complaisance, les travers de notre société, les conformismes sociaux et les non-dits qui gangrènent les huis clos familiaux. Dès la première nouvelle, Accident de personne, euphémisme qui n’annonce rien de bon, nous sommes prévenus : le regard de Brice Gautier est implacable.
Tout d’abord, soulignons le parti-pris de la focalisation interne qui implique le lecteur au cœur même de l’intrigue, il vit l’injustice de l’intérieur. Dans sept nouvelles, le narrateur est une narratrice. Dans deux autres, son genre est questionné. Le statut de la femme, l’accès à l’avortement, l’homophobie, le poids des convenances ou du patriarcat constituent les principaux thèmes qui traversent le recueil.
Et pourtant, il serait réducteur de limiter notre lecture à cette seule dimension sociale, car le nouvelliste maîtrise toutes les subtilités de son art. Chaque nouvelle nous embarque dans les rouages bien huilés d’une mécanique imparable qui nous saisit, nous émeut, nous trouble ou nous révolte. Humour jubilatoire dans Une bête sauvage dans mon garage : Dans sa furie, la laie détruisait implacablement tout ce qui se trouvait sur son passage, nos souvenirs, les cadeaux de nos amis et même le lustre que Pierre avait choisi pour trôner au-dessus de la table en noyer lacérée par les griffes de la bête. Et cela ne me faisait rien. Dimension fantastique dans Retour de flamme. Chute bouleversante dans Un certain équilibre. Incipit déroutant dans Un bouquet de coquelicots : Aujourd’hui, j’ai perdu ma femme. C’est loin d’être la première fois et je fatigue un peu.
Bref, un recueil ardent, tendu, qu’il vaut mieux lire par étape, pour reprendre pied entre chacune des histoires qui le composent.
Je ne déflorerai pas ces dix nouvelles, j’évoquerai simplement le personnage de Paul, dans Une question d’éducation. Ce jeune homme sensible, envisageant son entrée aux beaux-arts, sera « suspecté » d’homosexualité par sa famille traditionaliste. Contrairement à Sterenn, la malheureuse victime d’un Accident de personne, Paul fera le choix de la vie. Ainsi va le destin des personnages de Brice Gautier, leur liberté n’est jamais acquise, en rompant avec le milieu qui les bride, ils la conquièrent.
Le recueil se clôt par Un bouquet de coquelicots, texte différent, touchant de poésie, où la dépendance liée à la perte de la mémoire – sujet déjà abordé par l’auteur dans Quand minuit sonne – est évoquée avec une rare délicatesse. Cette nouvelle a fait l’objet d’une lecture dans le cadre d’un partenariat entre la revue Rue Saint-Ambroise et l’association Rue du Conservatoire. À découvrir en suivant ce lien
Une fois encore, Brice Gautier démontre la force de frappe de la nouvelle. Quelques pages, une intrigue bien menée, des personnages attachants valent mieux que bien des discours. En refermant le recueil, on ne voit plus le monde tout à fait comme avant.